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La bataille de Marathon (Patrice Brun)

5 participants

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Sylvestre

Sylvestre

Comme je fais partie du clan des feignants, je laisserai à d'autres plus qualifiés que moi (en culture, sinon en diplômes) le soin de débattre des détails la bataille de Marathon.
Je suis en train de bouquiner ça, c'est très bien pour des gens comme moi : synthétique, transversal, bien écrit.

La bataille de Marathon (Patrice Brun) Marathon

En ces temps de débats à la con sur l'identité nationale, je trouve cela important que l'auteur, Patrice Brun, helléniste distingué (président de l'université de Bordeaux III), s'intéresse beaucoup à la façon dont Marathon (qu'il considère comme une victoire tactique mineure) est devenue une bataille légendaire.

Un passage qui m'a intéressé, et que je vous reproduit ci-après :

"La vogue récente du "devoir de mémoire", plus reposant et moins exigeant intellectuellement que l'"effort" ou le "travail de mémoire" pour reprendre les mots du philosophe Paul Ricoeur, lequel suppose études et analyses impartiales sur des documents plus que sur des récits individuels déformés par le temps, a achevé de convaincre notre siècle que les faits étaient moins essentiels que la perception que nous pouvions ou devions en avoir aujourd'hui. A l'instar du sociologue Maurice Halbwachs, on pourra dire que la mémoire individuelle dépend en priorité d'une mémoire collective -"je me souviens de ce que le groupe auquel j'appartiens et dans lequel je me reconnais a décidé de retenir comme fondamental"- et possède une origine sociale.

Cela explique en grande partie cette "concurrence des victimes", titre d'un ouvrage encore récent (1997) de Jean-Michel Chaumont. En point d'orgue de ce système de pensée, les dernières années ont vu la multiplication des cérémonies mémorielles, l'adoption d'un étonnant arsenal législatif français sur le "génocide arménien" qui a abouti à fixer dans la loi la mémoire d'un peuple (ou plutôt de ses descendants installés en France) ou la volonté politique récemment exprimée de faire porter par chaque enfant de France le poids de la mémoire des enfants juifs déportés, massacrés et éliminés par les nazis dans le cadre de la Shoah [NB : le livre a été publié en mai 2009]. Des aberrations intellectuelles qui montrent le recul de l'histoire face à la mémoire, de la raison face à l'émotion. Le "devoir de mémoire" a occulté aujourd'hui, jusque dans les cercles supérieurs de l'Etat, le "devoir d'histoire"."

Bon, j'imagine que vous avez des références plus sérieuses sur le sujet, mais je trouve cet angle intéressant.

Et puis, j'adore la couverture.

Allalalai

Allalalai

Quand tu vois les Brevets que je corrige sur Le Front Populaire et où sur 50 copies je n'ai pas dû mettre 5 fois plus de 5/10, je pleure. Mais le pire c'est pas faute de se décarcasser à faire bosser ! Aujourd'hui j'ai des classes où la majorité des élèves ne font rien à la maison dès la 4e au moins. J'ai l'impression (je n'aurais jamais osé pensé ça avant) fugace que ne pas travailler à l'école rentre fugacement dans les moeurs ; et alors le coup de ne pas donner de devoir à la maison en primaire....Comment veux-tu faire passer une simple idée d'efforts si tu n'imprègnes pas les gamins de cette habitude dès le plus jeune âge ? Rajoute à cela une société qui va très vite (en changements, en valeurs, en consommation) et tu te dis que les héritages fondés sur le travail et donc l'effort ne peuvent bien longtemps rivaliser face à ceux basés sur l'émotion.
Je ne suis pas assez capable pour te dire si c'est bien ou pas, je constate juste le changement et je me demande très souvent depuis 2 ans si il me sera possible de continuer longtemps à faire réussir mes élèves. J'ai la chance de revoir beaucoup de mes anciens élèves, y compris 10ans en arrière, et quand je leur raconte comment j'essaie de lutter maintenant, il hallucinent (au sens premier du mot car je n'aime pas cette expression).
Identité nationale, débats politiques, crises de société, j'ai souvent l'impression que beaucoup de ces choses se résument à des questions de valeurs et de comportement individuel, et surtout face à l'effort. Et quand tu rajoutes à ça le peu d'investissement (ce n'est pas un reproche mais un constat) ne nombre de parents envers leur enfant (éducation, valeurs, sanctions...) et beh je me dis que ce n'est pas gagné.
Je ne lirai pas ton livre, ça va me miner le moral et parfois vaut mieux que je reste naïf sur certaines questions jocolor

3La bataille de Marathon (Patrice Brun) Empty La bataille de Marathon (Patrice Brun) Mar 18 Jan 2011 - 17:30

Semper Victor

Semper Victor

Après avoir réglé leur comptes aux deux bouquins (atlas, livre d'unirformes) que je viens de terminer Wink , passons à celui que je viens d'attaquer.

La bataille de Marathon, de Patrice Brun

Note : Patrice Brun est le professeur de l'université de Bordeaux qui a effectué la conférence de l'IRSEM sur l'expédition athénienne de Syracuse (voir sujet idoine).

Je publierai des passages qui me semble intéressant au fur et à mesure de ma lecture. Idea



Dernière édition par Semper Victor le Mer 19 Jan 2011 - 10:52, édité 4 fois


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aTomm

aTomm

Les commentaires vont m'intéresser! Avais une grosse envie de le lire... un petit coup de pouce côté motivation ici et je craque Smile

Semper Victor

Semper Victor

Le livre sur les concepts de mythe et d'histoire perçus totalement différemment dans le monde grec antique et dans le notre, obsédé par la "raison".

Brun cite Démosthène (page 19) : "Ces actions qui, pour le mérite, ne le cèdent en rien aux exploits élevés au rang des mythes mais qui, plus proches de nous dans le temps, n'ont pas encore été transformées en mythes ni élevées à la dignité héroïque". Et Brun de conclure : Pour les Grecs, le temps était un tamis dont ils ne demeurait que les exploits dignes d'être rapportés.

Brun explique ensuite que même pour l'historien rationaliste qu'était Thucydide, les mythes font partis de l'histoire. Il faut comprendre cela pour comprendre Marathon.

Le style est très agréable dès le début. Un livre qui commence bien. cheers


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Sylvestre

Sylvestre

Hello !
J'avais déjà ouvert (il y a un an, ça date... Embarassed ) un sujet sur le bouquin.
Veux-tu le déplacer ? Cheers !
EDIT : En sachant qu'au moins toi tu nous feras une vraie fiche de lecture... pas comme moi...

Semper Victor

Semper Victor

Fusion effectuée !

Rien à dire ce matin, je n'ai aps lu, j'étais en voiture, pour pouvoir me rendre ce soir à ma partie de Labyrinth. Wink



Dernière édition par Semper Victor le Jeu 27 Jan 2011 - 12:37, édité 1 fois


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Semper Victor

Semper Victor

J'ai terminé le chapitre introductif sur le thème mythe et histoire.

Brun est assez virulent (page 20 à 22) :

"En point d'orgue de ce système de pensées, les dernières années ont vu la multiplication des cérémonies mémorielles, l'adoption d'un étonnant arsenal législatif français sur le "génocide arménien" qui a aboutit à fixer dans la loi la mémoire d'un peuple (où plutôt de ses descendants installés en France) ou la volonté politique récemment exprimée de faire porter par chaque enfant ed France le poids de la mémoire eds enfants juifs déportés, massacrés et lémininés dans le cadre de la Shoah. Des aberrations intellectuelles qui montrent le recul de l'histoire face à la mémoire, de la raison face à l'émotion. Le "devoir de mémoire" a occulté aujourd'hui, jusque dans les cercles supérieurs de l'Etat, le "devoir d'histoire".
S'éloigne-t-on de notre sujet ? Pas tant que, car les Grecs ont eu également conscience de cette possible dérive. Thucydide est amené à contester avec viguer le souvenir officiel que ses concitoyens athéniens avaient conservé de l'épisode des "tyrannicides" Harmadios et Aristogon, héros officiels de la démocratie, qui passaient pour avoir fait chuter la tyrannie en 510. L'historien dépontre tout au contraire que ce souvenir n'est qu'une falsificatio acceptée par la mémoire collective et que la tyrannie est tombée grâce à l'assistance des Spartiates et non par le geste des deux pseudo-héros - l'assassinat du frère d'Hippias, Hypparque, n'avait que des motifs privés. Au dire de Thucydide, jamais Harmodois ni Aristogon n'eurent la volonté, en assassinant Hipparque (Hippias ne fut apparemment menacé), d'abattre la tyrannie". Puis, à propos de Marathon :
"Au terme de cet enquête on se persuadera peut-être que les Athéniens n'eurent pas forcément la compréhension de cette déformation et que si la mémoire a fini par l'emporter sur l'histoire, c'est que l'événement avait pris dans la conscience collective l'importance d'un mythe fondateur".

Très intéressant non ?

Le chapitre suivant porte sur la bataille et débute sur la recherche des plans d'actions de chacun. Quel était le but des Perses ? Remettre Hippias en place ? En tout cas les Athéniens ne semblent pas s'être préoccupé de cette question, réagissant simplement avec célérité à un débarquement surprenant sur leur territoire sacré.



Dernière édition par Semper Victor le Jeu 27 Jan 2011 - 12:48, édité 3 fois


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Semper Victor

Semper Victor

Pages 35 et 36 :

"La part de sacrilège que pouvait représenter une invasion étrangère était donc importante et cela d'autant plus dans une cité comme Athènes où le mythe fondateur de la cité était l'autochtonie : ce qui, au sens étymologique du terme, signifiait que les Athéniens se considéraient comme nés de la terre elle-même, cette terre qu'il n'était évidemment pas question de laisser souiller impunément par un ennemi barbare de surcroît".

Le chapitre sur la bataille court jusqu'à la page 68. Il est relativement bref, mais fait le point sur tout ce que l'on sait vraiment du combat (très bonne analyse sur le champ de bataille, dont une photo prise en 1950 oar William Kendrick Prichett sert de référence, avant que les lieux ne soit plus récemment complètement bouleversés).

J'ai bien aimé l'analyse sur Philippidès, l'hémérodrome (littérallement celui qui peut courir toute une journée durant) et qui a parcouru les 240 km menant à Sparte en 36 heures. P. Brun ne remet pas en cause cette performance, tout à flait plausible pour un messager "professionnel".

La thèse centrale sur la bataille est abordé dans le chapitre suivant ; " le sens de la victoire", j'en parlerai demain.

Je suis une nouvelle fois "aspiré" par ce bouquin, très agréable à lire.



Dernière édition par Semper Victor le Jeu 27 Jan 2011 - 12:48, édité 2 fois


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Semper Victor

Semper Victor

Le chapitre sur le sens de la victoire développe l'idée que Marathon est une sorte de Valmy du nouveau régime démocratique qui vient tout juste d'être établi à Athènes. Thèse très bien étaillée.

Le chapitre suivant s'attaque aux hommages rendus aux combattants : "le temps du receuillement".

J'aime beaucoup ça, page 135 :
"Les Grecs n'étaient pas des dévots stupides et savaient bien que l'ardeur guerrière, la discipline militaire avaient été indispensables au triomphe. Mais ils n'étaient pas moins persuadés de l'aide divine, qui leur avait insufflé ces qualités et le courage nécessaire pour affronter un ennemi jusqu'à là invincible. Encore une fois, on peut se moquer de cette apparente crédulité ; la posture est aisée, qui fait passer son auteur pour un esprit fort. Mais on prend alors le risque de ne pas comprendre l'âme grecque, chose bien gênante quand on écrit l'histoire". thumbs up



Dernière édition par Semper Victor le Jeu 27 Jan 2011 - 12:51, édité 1 fois


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Sylvestre

Sylvestre

Semper Victor a écrit:
J'aime beaucoup ça, page 135 :
"Les Grecs n'étaient pas des dévots stupides et savaient bien que l'ardeur guerrière, la discipline militaire avaient été indispensables au triomphe. Mais ils n'étaient pas moins persuadés de l'iade divine, qui leur avait insufflé ces qualités et le courage nécessaire pour affronter un ennemi jusqu'à là invincible. Encore une fois, on peut se moquer de cette apparente crédulité ; la posture est aisée, qui fait passer son auteur pour un esprit fort. mais on prend alors le risque de ne pas comprendre l'âme grecque, chose bien gênante quand on écrit l'histoire". thumbs up
+1.
J'adore !

VinceWG

VinceWG

N'en pouvant plus, je l'ai commandé. Je le reçois demain.

Semper Victor

Semper Victor

Vince, c'ets dommage que tu n'était pas là pour la conférence donnée par Patrice Brun à l'école militaire, tu aurais adoré.


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VinceWG

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Vi, j'imagine, mais je crois que c'était trop tard quand j'ai su pour celle-ci. Mais maintenant j'ai le programme à la maison. Et j'ai plusieurs conf en vue Smile En espérant pouvoir y aller avec mes genoux :s

Semper Victor

Semper Victor

Livre terminé ce matin, après que mes heures d'avion vers Zürich m'aient bien aidées.

(Page 221) : "Une légende se doit d'être belle ; sinon, quel intérêt y aurait-il à la laisser grandir ?"

Les derniers chapitres portent sur la mémoire de Marthon à travers les siècles (analyse des textes, des tableaux - notamment le trabeau de Rochegrosse de 1911 qui fait la couverture du livre -, des scultures puis des films traitant de la bataille).
C'est très érudit et très intéressant.
L'auteur évoque dans le chapitre final les utilisations idéologiques de Marathon dans l'histoire grecque contemporaine.

Au bout du compte, un livre vraiment excellent.



Dernière édition par Semper Victor le Jeu 27 Jan 2011 - 12:39, édité 1 fois


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VinceWG

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Oui, effectivement. Je suis en pleine lecture, c'est vraiment très bon, d'une grande clareté, bien documenté, avec de bonnes analyses, et des points de vue pris réalistes et intelligent.

Semper Victor

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Content que cela te plaise !


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VinceWG

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Tout ça c'est ta faute ! La bataille de Marathon (Patrice Brun) 800277 Tu donnes trop envie de lire des bouquins... Rolling Eyes

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